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Que penser de « Absolument débordée », le livre de Zoé Shepard sur les fonctionnaires territoriaux ?

 

Zoe-shepard

Quelques heures de train, un bouquin oublié, et voilà qu’en tentant de trouver quelque chose à me mettre sous la dent, je tombe dans un Relais H (ouh, le ringard, ça a changé de nom) sur le livre de Zoé Shepard dont on a tant parlé. Voilà qui me paraît bien détendant, et il est toujours intéressant de se faire un avis par soi-même.

Vous savez, on a beaucoup parlé de ce bouquin et de son auteur, laquelle est en passe d’être suspendue de la fonction publique territoriale pour avoir écrit ce roman où se sont reconnus certains de ses collègues – et surtout pour avoir outragé la fonction publique dans son ensemble.

Réaction bien évidemment disproportionnée. Surtout de la part de collègues qui, s’ils se sont reconnus, n’ont pas peur d’avouer ainsi leur bêtise abyssale, ou leur volonté de repeupler leur service de nouveaux-nés.  Et même de l’administration, qui en a vu d’autres.

Il faut dire qu’on rit beaucoup en lisant ce livre. Certes, d’un rire gras et méchant, mais un rire libérateur. Car l’auteur a un certain talent d’aigreur, d’ironie, et sait croquer personnages et situations. Et pour bien connaître à la fois l’administration et les collectivités locales (je vous rassure les élus sont loin d’êre épargnés), j’avoue avoir retrouvé des situations connues.

Mais le problème est bien là : ce livre a été tourné en brûlot anti-fonctionnaires (et anti-collectivités), et est passé du statut de roman à celui d’essai. C’est pour une partie la volonté de l’auteur et de l’éditeur (le sous-titre – sans parler du bandeau), pour une partie la responsabilité des médias. Or les situations que décrit Zoé Shepard se retrouvent dans tous les univers professionnels ; et il n’est finalement pas si difficile de décrire un univers professionnel par ses pires côtés, en s’inspirant du réel. C’est donc un mauvais procès qui est fait à la fonction publique territoriale. Car tout le monde peut conter des anecdotes terribles sur ses collègues, ses subordonnés, ses patrons (Napoléon ne disait-il pas que, vu par son valet, même un empereur est le plus petit des hommes). Certes, tous n’ont pas le talent pour le mettre en forme. Mais beaucoup ont aussi le recul pour comprendre la vanité de l’entreprise.

Tout est loin d’être parfait dans la fonction publique territoriale, et l’articulation avec les élus n’est parfois pas évidente (je le sais bien). Il y a de vrais problèmes soulevés (comment on progresse, comment on ne bouge pas, comment on envisage le mode projet… sans parler des passages bien sentis sur les ridicules de la coopération décentralisée). Mais cela est loin de résumer la fonction publique territoriale. Il y a des trésors de compétences, d’énergie, de dynamisme (je le sais aussi !). Les budgets gérés peuvent être énormes, l’action au service de nos concitoyens est bien réelle, et les améliorations souvent continues. Et il est dommage que la lumière, rarement projetée sur la fonction publique territoriale, soit aujourd’hui uniquement celle du discrédit !

Et il y a ce point qui interroge : finalement, ce livre est aussi le récit d’une étudiante fraîchement diplômée qui a du mal à trouver sa place dans le monde du travail (et rappelle d’ailleurs toutes les deux pages qu’elle a le statut le plus élevé, qu’elle est haut-fonctionnaire). Car si le personnage principal est prompt à la critique, il reconnaît lui-même qu’il l’est moins au travail et à la force de proposition ! L’auteure s’est défendue en disant qu’elle aimait son métier et que c’est pour cela qu’elle était horrifiée. Drôle de défense ; j’aurais compris celle de la fiction, mais s’il s’agit d’un pamphlet, alors il faut en assumer les conséquences : peu d’univers professionnels sont faits pour les âmes de pamphlétaires (enfin, celles qui veulent publier….).

On peut y voir non le journal de bord d’une fonctionnaire, mais bien une fiction corrosive sur l’univers du travail et les désillusions des jeunes diplômés.

Vu comme cela, un livre bien senti, qui fait rire, et qu’on oublie aussitôt. Pour les initiés, un rire très cathartique.

Mais vu comme une satire sérieuse du monde de la fonction publique territoriale, c’est très léger – et injuste ! On est loin de Courteline et de ses Ronds de cuir ….

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