Une tribune de mon amie Marie Petitcuénot parue sur le Huffington Post http://www.huffingtonpost.fr/marie-petitcuenot/devoir-de-sincerite-parole-politique_b_4349880.html que je vous recommande tout particulièrement !
La lessiveuse de la communication des entreprises
On ne peut plus continuer. On ne peut plus continuer à faire de la parole politique, celle des hommes politiques ou celle des grands patrons, ce discours ultra-contrôlé et de plus en plus vide. La conjonction des petites insurrections des bonnets et des sondages sur l’hypothèse d’une dissolution est, elle, bien plus éloquente. En revanche, la parole politique tourne sur elle-même et plus personne ne l’écoute.
Il faut d’urgence arrêter la lessiveuse de la communication, celle qui blanchit tout. Quand la « faute morale » de Jérôme Cahuzac résonne avec celle de Dominique Strauss-Kahn, les mots n’ont plus beaucoup de sens. Quand on utilise les mêmes mots et les mêmes structures mentales pour parler de voitures ou d’une collectivité locale, d’un homme politique ou de carottes, est-ce que cela vaut encore la peine de parler? Les discours et les publications des grandes entreprises se limitent à une petite centaine de mots: innovation, optimiser, durable, rentabilité, activité. La parole institutionnelle se codifie à vue d’œil et perd sa signification à la même vitesse.
Une parole politique devenue stérile
On ne peut plus continuer pour deux raisons. D’abord parce que la confiance des citoyens envers les politique est à son plus bas : 70 % des Français disent n’avoir pas confiance dans les politiques (sondage LH2 d’avril 2013). Les agents immobiliers sont les seuls acteurs de la société qui inspirent moins de confiance que les politiques aux Français.
La parole politique s’est enfermée dans une logique d’annonce et de promesse sans lendemain. La parole politique est devenue stérile. Or dans la situation de crise que nous subissons, plus que nous ne la traversons, comment mettrons-nous la société en marche, si nos politiques continuent à parler dans le vide?
L’autre raison, c’est que les entreprises doivent comprendre au plus vite les enjeux de la révolution d’internet et des nouvelles interactions directes. Si les entreprises ne saisissent pas combien ces nouveaux modes de communication modifient la perception de leur parole institutionnelle, alors la valeur de leur marque va immanquablement se détériorer. Comme si on pouvait encore croire que les mots-paravents protégeaient efficacement l’entreprise. Combien de temps encore croit-on pouvoir se contenter d’un vocabulaire dilatoire et insipide? Cette parole-là n’est rien d’autre qu’une volonté de contrôle et une mise à distance. Elle n’est pas légitime. Elle nie la définition même de la parole, cet échange et ce lien.
Etre soi-même, c’est être compréhensible dans la durée
Je plaide pour une parole politique sincère. Les hommes politiques et les patrons n’ont pas besoin de se cantonner au vocabulaire balisé de la parole médiatique. A l’inverse, ils n’ont pas besoin de se différencier à tout prix. De nombreux mythes ont contribué à aseptiser la parole politique. Tout se passe comme si on avait collectivement décidé qu’un chef d’entreprise ne pouvait pas avoir un avis personnel ou que les valeurs d’un homme politique devaient se calquer sur celles de son parti.
Le véritable objectif consiste au contraire à délivrer une parole en accord avec ce qu’ils sont, avec qui ils sont. Être pleinement soi-même, c’est être compréhensible dans la durée, c’est être présent, c’est être sincère. Trouver cette parole-là, trouver cette justesse, c’est la condition pour être crédible et pour convaincre.
Parler aux hommes
Je plaide pour une parole politique humaine. Donnons à voir l’esprit, l’humour et l’élégance. Donnons à voir les hommes et les femmes. Que la parole passe par le visage, les poumons et le ventre. Je plaide pour que les hommes parlent aux hommes et non plus seulement aux écrans. Si la parole veut redevenir un levier d’action plus qu’un bruit de fond, elle doit renouer avec l’émotion.
Je ne parle pas de déballage, de provocation ni de sentimentalisme. Comme le dit la célèbre citation de Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant. Insignifiant comme la succession routinière des coups politiques qui inondent les médias. Je suis convaincu que la parole politique, si elle veut être féconde, doit allier une grande qualité d’expression à une sincérité assumée. Même si cette parole-là prend plus de temps à creuser son sillon et qu’elle prend moins bien la lumière des médias.