Si demain Paris veut maintenir son statut de « ville-monde », il faut impérativement saisir l’opportunité de la création du Grand Paris pour rapprocher entreprises et centres universitaires autour du quartier d’affaires de La Défense.
Alors que l’ensemble des élus franciliens se consultent, débattent, négocient et délibèrent sur les contours et les compétences de la future Métropole du Grand Paris, peu de discussions portent sur l’essentiel : pour quoi faire ? À force de s’interroger sur les moyens, on oublie peut-être de se mettre d’accord sur les fins poursuivies. À mes yeux, il est très clair que l’émergence d’une Métropole, quelle que soit la forme retenue, doit avant tout renforcer la place du Grand Paris au sein d’une économie globalisée.
Quel levier activer pour maintenir la place de Paris en tant que capitale économique mondiale ? Élu de Courbevoie et familier du monde de l’entreprise, je pense bien sûr en premier lieu au site de La Défense, premier quartier d’affaires français et moteur économique de la « ville-monde » parisienne, qui doit, lui aussi, franchir une nouvelle étape de son histoire. Après des années de concentration de sièges sociaux et d’accumulation de capital, le quartier doit aujourd’hui définitivement entrer en résonance avec l’économie de la connaissance et adopter un nouveau modèle de développement, axé autour de la logique de cluster, au service du dynamisme de la région et du pays.
Dépasser les schémas d’après-guerre à La Défense
La Défense s’impose aujourd’hui comme l’un des premiers quartiers d’affaires européens. Il concentre plus de 2 500 entreprises, 1 500 sièges sociaux, dont ceux de 15 des 50 premières entreprises mondiales, 150 000 emplois, dont 90 000 cadres. Un chiffre marquant : les groupes qui y ont leurs sièges réalisent près de 10 % du PIB national. À cet égard, cette expérience urbanistique fut sans conteste un succès et le plan de modernisation lancé en 2006 devant conduire à la création de nouvelles tours, vient souligner la vitalité du quartier.
Néanmoins, face à la concurrence des quartiers d’affaires de Londres ou de Francfort, sans oublier le formidable dynamisme des villes des pays émergents, le site ne peut plus se contenter de se développer selon un schéma pensé au lendemain de la guerre. L’accumulation de sièges sociaux et de capital ne suffit plus pour attirer la richesse et créer de l’emploi.
Dès la fin des années 90, l’OCDE estimait que les industries de la connaissance représentaient 50 % du PIB de l’ensemble des pays membres de l’organisation. Au sein d’une économie de la connaissance, c’est bien la capacité à stimuler la créativité intellectuelle et à innover qui permet à une « ville-monde » de tirer son épingle du jeu. Ce qui fait la valeur ajoutée de notre économie aujourd’hui, ce qui peut encore nous distinguer, c’est bien la production, la distribution et l’utilisation des connaissances et des informations. Tout simplement, ce qui compte c’est d’avoir des idées et de trouver les moyens de les valoriser partout dans le monde.
Faire de La Défense un haut lieu d’innovation
La Défense a donc bien entendu besoin de continuer de développer ses muscles, c’est-à-dire des infrastructures et des entreprises performantes, mais elle doit aussi faire travailler sa tête, c’est-à-dire des établissements de recherche et de formation.
Demain, il faudra donc permettre la mobilité des hommes grâce à un réseau de transports de haut niveau et connecté au reste du monde. Il faudra également encourager la circulation des idées en favorisant les synergies entre le secteur économique et le secteur universitaire, tous deux présents sur le territoire, mais encore trop peu connectés.
Sans cette double dimension globale et locale, physique et immatérielle, l’attractivité du quartier sera remise en question et avec elle l’innovation et la création de richesse. C’est ici que le politique entre en jeu.
Renforcer la connexion du quartier avec le reste du monde
D’abord sur le plan des transports. Impulsé par le gouvernement précédent, le développement du Grand Paris Express va permettre à La Défense de bénéficier enfin d’une connexion directe avec l’aéroport de Roissy, c’est-à-dire le 8e aéroport mondial, 2e européen et 1er Français, par lequel transitent plus de 60 millions de passagers par an.
Grâce à cette future connexion rapide, les entreprises de La Défense et leurs employés auront un accès privilégié à plus de 300 villes à travers le monde. Cette nouveauté ne peut que tirer le quartier d’affaires vers le haut. Sans compter que cette nouvelle ligne s’accompagnera de la prolongation du RER E depuis la gare Haussmann Saint-Lazare qui renforcera encore davantage sa proximité avec la capitale et donc son attractivité.
Permettre la circulation et la valorisation des idées grâce à un cluster
Vient ensuite l’action en faveur de la circulation des idées. Bien sûr, le rapprochement des entreprises et des universités ne se décrète pas. Le temps de l’économie dirigée est révolu et rien de constructif ne peut se faire si chacun n’y trouve pas un intérêt. Les entreprises doivent y voir une source de productivité, d’innovation et donc de profit. Les universités doivent y voir un apport de moyens et des opportunités de débouchés pour leurs recherches et leurs étudiants. Sans ce bénéfice réciproque bien compris, rien de durable n’est possible. Tout repose donc sur la volonté des acteurs concernés.
Je pense que les responsables politiques, dont la fonction est de convaincre et de créer du lien, ont un rôle à jouer en la matière. Par leur action, ils peuvent favoriser et accélérer les synergies. C’est à ce titre que je souhaite encourager une démarche de rapprochement entre grands groupes, PME-TPE et établissements de formation et de recherche, au sein d’un cluster implanté à La Défense.
Il s’agit de faire le choix, sur un site d’exception, d’une entente entre le monde universitaire, qui pourra faire évoluer ses formations pour une plus grande adéquation avec les besoins du quartier d’affaires, et le monde économique, qui pourra soutenir des projets de recherche et espérer ainsi des retombées positives pour ses activités.
Envoyer un signal fort de vitalité économique
J’y vois un élément essentiel de l’attractivité future du quartier d’affaires et par la même occasion, la condition du succès de la Métropole du Grand Paris. Dans un contexte économique difficile, où beaucoup d’entreprises, françaises comme internationales, peuvent être amenées à considérer la France comme un territoire peu porteur pour leurs investissements, un cluster sur le site de La Défense serait un signal fort et un atout indéniable.
Notre région et la France ont besoin de ce moteur d’envergure internationale, capable de tirer la croissance de l’ensemble du territoire. La Défense est tout indiquée, par son histoire, sa taille et son niveau de développement pour continuer de remplir cette fonction de locomotive et de vitrine mondiale pour la région. Espérons que l’émergence de la Métropole permette aux acteurs franciliens de travailler ensemble à la renaissance d’un quartier d’affaires en phase avec son époque, puissant et intelligent.
Jacques KOSSOWSKI, Député-maire de Courbevoie
Tribune parue sur le site Les Echos.fr