Tu n’étais pas seulement un universitaire, économiste réputé et iconoclaste, auteur de Houellebecq économiste comme membre du Conseil général de la Banque de France, un essayiste et un débatteur passionnés que l’on pouvait écouter sur France Inter, ou lire dans Charlie. Tu étais un amoureux de l’Histoire et de la littérature, et ceux qui veulent vraiment te connaître doivent aussi lire l’essai que tu avais consacré récemment à L’Homme dans la guerre – Maurice Genevoix face à Ernst Jünger. C’est Genevoix qui nous avait réunis, c’est Sylvie, qui nous a quittés il y a deux ans déjà. Et c’est la passion du débat, de l’échange d’idées, de la culture qui nous avaient rapprochés. Bernard, tu étais un formidable conteur, drôle, charmant, tu étais aussi parfois un peu professeur Nimbus, tu étais un ami d’une grande fidélité, d’une infinie gentillesse, d’une grande générosité. Je me souviens de dîners chez vous, où se mêlaient Charlie et l’Académie, je me souviens de cette passion qui t’animait quand nous militions pour la panthéonisation de Genevoix, je me souviens de la bienveillance dont vous faisiez preuve avec Sylvie en toutes circonstances, je me souviens de nos échanges littéraires, je me souviens de nos débats politiques, les vrais, ceux sur le temps long et les idées, je me souviens des moments d’immense douleur que tu as traversés, je me souviens aussi de ta joie de vivre la dernière fois que nous nous sommes vus cet été – et de cette montre que tu croyais avoir perdue alors qu’elle n’avait pas une fois de plus quitté ta table de chevet.
Dans ces moments d’une grande douleur, je pense bien sûr à ta famille, à tes enfants, à tes beaux-enfants, et à tous tes amis qui aujourd’hui te pleurent.
La barbarie qui s’est abattue sur toi aujourd’hui, sur tes amis de Charlie, sur les policiers, est la violence que tu avais toujours combattue, et face à laquelle tu n’avais jamais abdiqué. Nous resterons fidèles à tes idées et à tes valeurs. La liberté de penser. La liberté d’exprimer. La liberté. Et la foi en l’Homme.