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Fin des classes bilangues : une mauvaise décision… pour de mauvaises raisons

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La France se situe dans le bas des classements internationaux pour le niveau en langues étrangères de ses élèves. C’est un fait, et c’est heureux de chercher à y remédier, en permettant à tous les collégiens d’apprendre une seconde langue vivante dès la cinquième.

Là où le bât blesse, c’est quand la Ministre de l’Education nationale lie cette mesure à la suppression des classes bilangues ou européennes, des classes justement où l’apprentissage de ces langues était une réussite ! L’argument budgétaire est sous-jacent, bien sûr, mais c’est le principe d’égalité qui est brandi. Voilà comment la Ministre présente les choses : ces classes « font réussir davantage, c’est certain, mais est-ce que vous ne voulez pas répartir les moyens pour que tous soient tirés vers le haut ? » L’argument est fallacieux : nous partageons l’objectif de tirer tous les élèves vers le haut ! Mais le problème est que rien ne prouve qu’une telle mesure réussisse à tirer tous les élèves vers le haut, alors qu’il est certain qu’elle va casser ce qui aujourd’hui fonctionne… L’impératif budgétaire n’explique pas tout. Il y aurait sans doute d’autres économies possibles ; lier les deux, c’est bien faire passer un message simple : l’excellence doit être pour tous, ou pour personne.

Les classes bilangues ou européennes ne se contentaient pas de renforcer l’enseignement de la langue étrangère dès le collège, ni même de proposer au lycée l’enseignement de plusieurs disciplines dans la langue étrangère, une particularité qui va disparaître. Ces classes reposaient aussi sur des activités culturelles et des échanges, dont j’ai pu constater dans ma commune de Courbevoie tous les mérites. Je ne suis visiblement pas le seul, si l’on en juge par la réaction de l’Ambassadrice d’Allemagne en France… On peut certes toujours espérer que ces échanges soient maintenus, mais comme ils ne seront pas possibles pour toutes les classes (l’argument budgétaire évoqué par la Ministre tenant encore plus), comment se fera la sélection ? Pas sur le mérite ou le travail des élèves (et de leurs professeurs qui y consacrent souvent beaucoup de leur temps libre)… Alors oui, ces classes ne bénéficiaient qu’à 15% des élèves – ce qui ne représente pas tout de même une ultra-minorité -, mais elles étaient un modèle de réussite dont il faudrait plutôt s’inspirer.

Le fond du problème, c’est que ces classes européennes – comme d’ailleurs d’autres classes aménagées comme les CHAM pour la musique – sont vues comme socialement homogènes et comme faisant partie de stratégies parentales pour contourner les cartes scolaires… comme si les parents dotés du plus fort capital culturel ou économique n’avaient pas d’autres moyens de la contourner ! On ne s’attaque pas à la base des inégalités, mais à leurs manifestations visibles… « Couvrez ces inégalités que je ne saurais voir » !

Par peur de créer des filières d’excellence inégalitaires, on en prive les élèves motivés, passionnés, travailleurs… Supprimer une section parce qu’elle concentre les élèves les plus motivés, ça n’est pas résoudre le problème de l’homogénéité sociale de ces dits élèves ! Mais c’est bien en priver ceux qui pensaient réussir mieux par leur volonté. Et c’est vouloir que chacun soit mis au même niveau sans possibilité de s’élever. Que les meilleurs élèves soient reconnus suivant leur mérite, et que ce mérite puisse être reconnu chez des élèves issus de milieux sociaux différents, voilà l’objectif que nous devrions pourtant poursuivre. Et il y a urgence à traiter le problème si l’on en croit les études PISA qui classent notre pays parmi les derniers de l’OCDE pour la correction des inégalités sociales par l’école.

Ça y est, l’égalité de principe a été proclamée. Mais cela changera-t-il quelque chose à l’égalité réelle ?  Cela sera-t-il respectueux de la méritocratie républicaine, qui consiste à permettre plus à celui qui travaille plus, quelle que soit son origine ? Conservons ces classes d’excellence, dont l’existence n’est en rien contradictoire avec la généralisation de la seconde langue vivante dès la cinquième, mais travaillons sur les conditions de leur accès sur l’information qui en est faite aux parents, et surtout sur l’égalité des chances dès l’école primaire !

Il nous reste beaucoup à faire pour y parvenir. Le système d’éducation prioritaire n’a cessé d’être revu. Il est certainement temps de le rénover de fond en comble. Pourquoi ne pas s’inspirer du modèle néerlandais d’aide calculée à partir de la personne et non de la zone ? Le nombre d’enseignants, voire le nombre d’heures de cours et d’étude, pourraient ainsi être établis selon un mode de calcul qui tienne compte du niveau de revenu des parents, leur niveau d’études – voire de langue française le cas échéant -, afin d’obtenir un enseignement qui corrige vraiment les inégalités de départ et permette à l’école de jouer son rôle de garant de l’égalité des chances. Voilà une façon d’apporter plus à ceux qui partent avec moins. Une méthode bien plus intéressante que d’enlever à ceux qui aspirent à plus par leur travail.

 

 

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