Lors du Conseil consultatif de la Vie scolaire du 8 octobre à Courbevoie, nous avons évoqué le déploiement des nouveaux outils numériques dans les écoles de Courbevoie, financé par la Ville. L’objectif est d’équiper toutes les classes d’élémentaire de VPI (vidéoprojecteurs interactifs), toutes les écoles élémentaires d’au moins une classe mobile (tablettes), toutes les écoles maternelles d’une table interactive, de préserver le TNI (tableau numérique interactif) dans toutes les écoles, et d’équiper les écoles d’outils d’apprentissage à la programmation. Dès cette année, 3 écoles sont équipées de VPI dans les classes (Lamartine, Achard, Claudel), 2 de classes mobiles (Guynemer et Sivestre) et le robot Nao pour apprendre la programmation est installé à Malraux. A cette occasion, nous avons évoqué ce texte très intéressant de Benoît Thieulin, Président du Conseil national du numérique et de Jean-Marc Merriaux, Directeur général de Canopé et du CLEMI, que je vous livre. Il est paru dans Libération le 21 septembre 2015 http://www.liberation.fr/debats/2015/09/21/oui-le-numerique-est-une-chance-pour-construire-l-education-de-demain_1387503.
Selon la dernière étude Pisa (1), le numérique ne serait pas l’accélérateur espéré de la réussite éducative, s’inscrivant en cela en décalage avec l’environnement sociétal et culturel actuel où, qu’on le veuille ou non, le fait numérique s’impose. De notre point de vue, l’enjeu n’est pas tant de prouver qu’avec le numérique les élèves vont mieux ou moins bien réussir mais de s’interroger plutôt sur la place que le numérique peut ou doit avoir au sein d’une école du XXIe siècle dont l’ambition est de construire une société plus juste, plus émancipatrice, en un mot plus républicaine.
En tant qu’acteurs du numérique et de l’éducation, nous restons convaincus que les fondamentaux – lire, écrire, compter – restent essentiels pour permettre à l’élève d’être un citoyen éclairé, et que donner une place trop grande à l’outil numérique serait tout aussi inadéquat que de nier son rôle catalyseur en matière d’évolution des pratiques pédagogiques. Nous avons bien conscience que le sujet n’est pas simple, la pédagogie est une science complexe.
Notre responsabilité citoyenne d’éducateur est donc bien d’utiliser à bon escient les outils du temps, le nôtre mais surtout celui de nos élèves. L’étude Pisa peut avoir un rôle salvateur pour repositionner cette ambition à sa juste place, et surtout suivant un angle universel, celui d’une école qui accompagne la transformation de notre société. La transversalité, qui constitue les fondements de la révolution numérique, doit nous amener à rééquilibrer la puissance du disciplinaire sur celle des compétences, elle doit aussi démultiplier le travail collaboratif et stimuler de nouvelles formes de créativité. La créativité sera le moteur essentiel pour construire une école du XXIe siècle qui devra faire face à une transformation profonde de nos métiers d’aujourd’hui.
Au-delà, la diffusion de la culture numérique est de nature à profondément faire évoluer la capacité à fédérer et à mobiliser les énergies autour d’une action collective, qui doit devenir la nouvelle règle pour travailler différemment au sein des établissements, au sein de l’institution Education nationale. La transition numérique est un levier de transformation au service de la refondation de l’école. Elle doit se passer au plus près du terrain, au cœur même de la classe et permettre à l’enseignant de jouer pleinement un rôle de médiateur. Sa formation se doit d’intégrer les nouvelles formes d’apprentissages pour mieux soutenir, en lien avec le chef d’établissement ou le directeur d’école, les initiatives pédagogiques collaboratives. La réforme du collège montre bien, à quel point, l’établissement est le point d’entrée de la refondation de notre école.
On entend aussi souvent : «il faut généraliser les bonnes pratiques». Arrêtons avec la généralisation des bonnes pratiques, ça ne marche pas, mais parlons plutôt de dissémination. Les échanges doivent se faire par cercles concentriques et de manière systémique et non pas dans une logique pyramidale où seuls certains seraient habilités à rendre généralisable certaines pratiques, selon quel critère, selon quelle compétence. C’est encore trop la règle, il faudra que demain ça devienne l’exception, le numérique peut être une solution.
Le numérique, enfin, doit aussi nous aider à régler la question du continuum pédagogique entre-temps scolaire et hors temps scolaire et contribuer à construire de nouvelles formes d’échanges entre enseignants, élèves et parents, qui soient constitutives d’un nouveau rapport à notre école fondée sur une confiance réciproque, et des relations bienveillantes, permettant de renforcer le vivre ensemble.
Il ne faut pas non plus oublier l’éducation aux médias et à l’information. Dans notre histoire récente, nous avons pu constater à quel point il avait été difficile de faire rentrer la télévision à l’école, qui n’a jamais été considérée comme un vecteur de transmission de la connaissance pour une grande majorité des enseignants. Seuls quelques militants ont porté la nécessité d’intégrer l’éducation aux médias dans les pratiques pédagogiques. Ne refaisons pas la même erreur avec le numérique, nous n’avons plus le temps.
Plusieurs rapports existent qui ont déjà fait la preuve de la nécessité de repenser l’école à l’ère du numérique, «Jules Ferry, 3.0», le rapport de la commission éducation du Conseil national du numérique, en est un, il nous faut les utiliser pour contrecarrer certains obscurantismes qui seraient prêts à empêcher notre école d’évoluer. Alors oui, pour ces raisons et au-delà des simples approches statistiques, le numérique reste une opportunité pour l’école ! A nous d’en faire collectivement la preuve !
(1) Rendu public le 15 septembre, le premier rapport Pisa de l’OCDE sur les compétences numériques tendrait à prouver que le lien entre accès aux outils du numérique à l’école et bons résultats scolaires n’est pas si évident.